De la réalité à la fiction, Carré arrondi est une performance théâtrale qui plonge dans les souvenirs et les traumatismes fragmentés de prothésistes ongulaires d'origine vietnamienne — des figures à la fois réelles et imaginaires. La pièce explore les frontières mouvantes entre identité, déconstruction et reconstruction de soi, tissant un récit poétique où mémoires personnelle et collective s'entremêlent. Elle interroge les intersections de classe sociale et de genre, tout en révélant les dialogues intimes entre soi et l'autre, ces échos oscillant entre l'être et le néant. Par ailleurs, Carré arrondi propose une réflexion sur le pouvoir du langage, où les mots, les silences et les non-dits se rencontrent dans l'espace entre les langues.
Au sein de la diaspora vietnamienne, la profession de prothésiste ongulaire est principalement exercée par la nouvelle génération de migrants, celle qui a émergé après une migration postcoloniale reliant la péninsule indochinoise à la France. Ces personnes ont quitté le Vietnam avec une crainte de l’avenir et un désir profond d’offrir à leur famille une vie meilleure. Pourtant, elles se retrouvent souvent confrontées à une vulnérabilité accrue : traite des êtres humains, conditions de travail proches de l’esclavage moderne, exposition à des environnements chimiques nocifs et cadences épuisantes. Cette réalité inaugure une existence d’immigrés déchirés entre deux univers : celui des souvenirs et de la mémoire, et celui du présent, flottant dans un entre-deux identitaire, ni chair ni poisson.